1902 - Les 400 victimes du Prêcheur

Les conséquences des lahars historiques de la rivière du Prêcheur

 

Le 8 mai, un hommage est rendu aux 28 000 victimes de St-Pierre, rendons aussi un hommage aux 400 victimes qui sont à déplorer au Prêcheur en raison de l’ensevelissement d’une partie du bourg par des dépôts de lahars de l’éruption de la Montagne Pelée de 1902.

L’article de Guillaume LALUBIE, Docteur en géographie, spécialisé dans l’hydro-géomorphologie volcanique, UA, nous expose :

Les conséquences des lahars historiques de la rivière du Prêcheur

sur la morphodynamique du trait de côte

 

La rivière du Prêcheur est régulièrement en crise. Elle est empruntée par des coulées de boue (appelées lahars) dont les matériaux proviennent d'un mouvement de terrain de grande ampleur, mobilisant les accumulations de dépôts volcaniques de la Montagne Pelée (figure).

On peut hiérarchiser les phénomènes lahariques selon l'échelle temporelle (Lalubie, 2013) :

             - à la minute on observe les "bouffées" successives (appelées également vagues) ;

             - à la journée on parle de "lahar" (ou de coulée), lequel est constitué d'un front d'éléments grossiers, d'un corps de coulée constitué de bouffées successives, puis d'une queue aux écoulements hyperconcentrés ;

             - à l'année on s'intéresse à la "crise laharique" et ces différentes coulées.

Près d'une dizaine de crises lahariques d'intensité variable ont été répertoriées depuis 1851 (Saffache, 1998 ; Lalubie, 2010 et 2011 ; Aubaut et al., 2013). Certaines de ces crises ont affecté l'ouvrage de franchissement (1902, 1950 (?), 1976 (passerelle), 1980 et 2010) et les quartiers riverains par des débordements (1902, 1980 et 2010).

En 1902, 400 victimes furent à déplorer en raison de l'ensevelissement d'une partie du bourg par les dépôts lahariques (figure).

 

En juin 2010, plusieurs centaines de personnes, ainsi que des activités agricoles et touristiques, se trouvèrent isolées lorsque le pont fut détruit et enseveli sous les coulées successives. Actuellement encore, lors d'intenses épisodes pluvieux, des coulées se forment au pied du mouvement de terrain et atteignent parfois la mer, remplissant de matériaux le lit du cours d'eau.

Les lahars ont une double action antagoniste sur le trait de côte de la commune du Prêcheur.

D'une part, les matériaux des lahars en mouvement érodent l'embouchure du cours d'eau et la mer remonte dans le cours d'eau jusqu'au gué (1902, 1950 et 2010). Cette excavation peut générer une instabilité des berges anthropisées du cours d'eau. D'autre par, les matériaux fins arrivés en mer sont redistribués par la dérive littorale et contribuent à la propagation du trait de côte par aggradation. Après la crise de 1902, le trait de côte avait progressé de plusieurs dizaines de mètres sur toute la commune du Prêcheur (ainsi que sur la façade orientale du volcan). À la fin de l'éruption, ce cordon sableux fut occupé par la route côtière, des bâtiments au niveau du bourg et du quartier de l'Anse Bellevue, mais aussi fut planté en cocoteraie. L'érosion marine, très accentuée durant les houles cycloniques, a rongé ce cordon sableux afin de retrouver un équilibre entre les apports terrestres et l'énergie érosive marine. Les bâtiments construits sur ce cordon sableux temporaire furent détruits entre 1950 et 1980 sous les assauts de la mer. Des travaux d'endiguement furent entrepris notamment pour protéger la route côtière.

Les relations entre les phénomènes géomorphologiques terrestres et marins sont étroites et exacerbées sur les édifices volcaniques vivants de la région. Une meilleure compréhension des processus morphodynamiques mis en jeu contribuerait à optimiser l'aménagement et la mise en sécurité du territoire. Cependant, malgré la répétition des lahars destructeurs depuis 30 ans dans la Rivière du Prêcheur, très peu de connaissances sont à disposition concernant la morphodynamique du lit du cours d'eau ou celle du cordon sableux côtier. »

(Art. Guillaume Lalubie /16-11-2022).