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Le masque sous toutes ses coutures

Au-delà du Covid...

A l'heure où nous publions ces lignes (19 avril), certains pays se dirigent doucement vers une levée des contraintes sanitaires, synonyme d'allègement possible des gestes barrières, comme l'indique cet article du Courrier international.

Sans la définition proposée par une célèbre encyclopédie en ligne, on en oublierait presque la diversité des usages attribués, à travers l’histoire et de par le monde, à cet objet dissimulant tout ou partie du visage humain qu’on appelle un masque. Car si la crise sanitaire en cours a conféré à cet attribut une visibilité internationale inédite - du moins dans sa version prophylactique et médical- la question du masque comme marqueur culturel nous renvoie loin dans le temps et dans l'espace.

« Simple divertissement ou associé à un rite, œuvre d'art ou produit normalisé, il se retrouve sur tous les continents. Il est tantôt associé à des festivités (Halloween, Mardi gras), tantôt à une fonction (chamanisme, relique funéraire) » nous explique sobrement cette fameuse encyclopédie. Vous avez bien lu : en ces temps troublés, aucune allusion aux masques FFP2 ou assimilés !  Ni à la manière dont, subretpicement, ces équipements de protection élevés au rang de barrière ont transformé le rapport à soi et aux autres, comme le souligne ci-dessous le politologue Olivier Rouquan.

Du théâtre japonais aux rituels des sociétés africaines ou amérindiennes, de la liturgie du carnaval au Covid-19 : le masque révèle plus plus qu’il ne cache. Pour en avoir le cœur net, nous vous proposons une sélection de ressources web et d’articles extraits de nos bases de données afin d'appréhender le masque sous toutes ses coutures et dans toutes ses résonances culturelles et anthropologiques.

(photo d'illustration libre de droits : parismusees.paris.fr)

Sur le web

Olivier Rouquan « Invisibles : que se cache derrière nos masques ? », Revue politique et parlementaire [En ligne ], libre opinion, 18 mai 2020, "

Or désormais, nous allons déambuler masqués. Ainsi allons-nous nous dissimuler pour cause de maladie galopante. Il ne s’agit pas d’un jeu ; il ne s’agit apparemment pas de carnaval ou de théâtre. Et comme pour lutter contre cette dilution dans la masse, certains griment et « personnalisent » déjà leur masque dit « grand public » – ruse de la raison. Le signe est donné du trouble dû à ce port rendu quasi-obligatoire en « présentiel », comme il se dit désormais.

Galerie Art Africain.  Ce site Internet nous offre un regard panoramique sur les multiples fonctions du masque dans la culture africaine, visible lors de danses traditionnelles ou de cérémonies diverses.

Paris Musées. Parcours documenté dans les collections de masques des musées de la Ville de Paris.

Maison des cultures du monde. Sortie de masques Dogon. Vidéo, 2mn 58. Les masques virtuoses mettent en scène la représentation du monde selon les Dogon.

Google scholar (articles scientifiques en libre accès) - SAKABE, Magumi. Le masque et l'ombre dans la culture japonaise: Ontologie implicite de la pensée japonaise. Revue de Métaphysique et de Morale, 1982, vol. 87, no 3, p. 33-343.

On doit noter tout d'abord un fait très remarquable dans la langue japonaise. Cest le suivant. Dans la langue originellement japonaise, il n'y a qu'un seul mot pour désigner le masque aussi bien que le visage (naturel), c'est à dire "Omoté"...

Cairn - revues en SHS (abonnés UA)

Votadoro, Pablo. « Bas les masques ! », Le Carnet PSY, vol. 236, no. 6, 2020

Une fois les premières angoisses digérées, le masque, parce que conjuratoire sur la peur, s’est imposé peu à peu dans les semaines qui ont suivi le début de cette crise. Pour ses effets contraphobiques, il est ainsi devenu aussi, à ce titre, nécessaire au déconfinement. Pris comme objet symbole de cette crise, le masque ne vient-il pas souligner le vide qui s’est installé dans la parole, à moins qu’à la manière d’un trouble alimentaire, il n’exprime une parole retenue, voire bâillonnée ?

Jérémy Deturche, « Derrière le masque », Études rurales [En ligne], 196 | 2015,

Jusqu'à récemment, les masques amazoniens ont souffert d'un manque d'intérêt anthropologique. Il faut dire que, comparativement à leurs homologues nord-américains, on peut se demander s'il existe vraiment des masques en Amazonie. Pourtant, à y regarder de plus près, il y a incontestablement matière à réflexion.

Simond, Marianne. « Éditorial », Imaginaire & Inconscient, vol. 26, no. 2, 2010, N° spécial : « Des Masques » ;

Le plus petit masque du monde ne serait-il pas le nez rouge du clown ? Cette question nous fut transmise et si elle n’a pas pu être développée ici, la poser permet d’ouvrir aussi pour le lecteur, la réflexion sur les confins du champ d’exercice du masque.[…] La référence culturelle de base, structuraliste et anthropologique de référence, celle de Claude Lévi-Strauss, nous nous devons de l’évoquer même si nous nous bornons ici à adresser le lecteur vers ses ouvrages fondamentaux (en particulier, Lévi-Strauss Claude (1950) La voie des masques Paris, Plon.) et vers ce qu’on peut trouver d’analyses, sur Internet, en privilégiant les études universitaires souvent très pointues.

Mulot, Stéphanie. « La trace des Masques. Identité guadeloupéenne entre pratiques et discours », Ethnologie française, vol. vol. 33, no. 1, 2003,

Quatre ans après le cent-cinquantenaire de l’abolition définitive de l’esclavage, la Guadeloupe revit en 2002 une période de commémoration, celle de la résistance et de la chute, en 1802, de Louis Delgrès et ses compagnons face aux troupes napoléoniennes venues rétablir l’esclavage, aboli une première fois en 1794. Ces commémorations successives participent à la reprise d’un débat public sur l’identité et l’histoire antillaises et sur l’idée d’un obligatoire « devoir de mémoire » pour les descendants des victimes et des présumés coupables de l’esclavage (…). Dans ce contexte, il peut être intéressant d’examiner de plus près et dans un autre domaine, grâce à l’ethnographie du carnaval, en suivant plus particulièrement la trace des masques, comment se réalise la construction de repères identitaires contemporains, et comment s’élaborent des stratégies et des discours identitaires, pour des acteurs vivant dans un contexte créole...

Boisson, Bénédicte. « Les masques sans visage », Ligeia, vol. 81-84, no. 1, 2008, pp. 106-116.

 « Le “merveilleux” artificiel, mécanique (automatique) du masque ne recèle pas la force nécessaire pour produire le “miracle” dans la réalité du théâtre d’aujourd’hui  » .La citation de Tadeusz Kantor placée en exergue de cet article, bien qu’issue d’un texte datant de 1973, semble faire écho à la situation contemporaine. Dans le théâtre d’aujourd’hui, le “masque de théâtre” paraît en effet délaissé, au profit du jeu non masqué ou de l’utilisation de masques d’autres types tels que les “masques utilitaires, qui ne sont pas faits, a priori, pour le théâtre”, les “masques gadgets” , ou des objets qui, détournés de leur fonction première et positionnés sur le visage font momentanément office de masque….

Jourdan-Peyrony, Jessica, et François Pommier. « Le masque comme enveloppe », Adolescence, vol. t. 35 2, no. 2, 2017

Cet article propose de montrer comment une médiation thérapeutique groupale basée sur la confection et la mise en scène de masques peut permettre à des adolescents relevant des « cliniques de l’extrême » (Pommier, 2008, 2010), avec des problématiques narcissiques identitaires, de reprendre un processus de subjectivation.

Garcin-Marrou, Flore. « Le masque noir au théâtre est-il un attribut raciste ? Retour sur la polémique autour de la mise en scène des Suppliantes de Philippe Brunet (Sorbonne, 2019) », Chimères, vol. 96, no. 1, 2020,

Pour annoncer la représentation du 25 mars 2019, le service culturel de la Sorbonne met en ligne sur le site de l’Université un texte de présentation et des photographies des répétitions du spectacle sur lesquelles on découvre des comédiennes incarnant les Danaïdes aux visages grimés avec du maquillage brun ainsi que des masques. Rapidement, ces photographies de scène sont remarquées et dénoncées par le syndicat étudiant unef, puis le cran (Conseil Représentatif des Associations Noires de France) et la ldna (Ligue de Défense Noire et Africaine).

Howlett, Marc-Vincent. « Alioune Diop : du bon usage du masque Kanaga », Présence Africaine, vol. 184, no. 2, 2011, pp. 95-99.

Le logo est le signal qui induit une réponse attendue, aussi articule-t-il, jusqu’à la déception, notre désir à un objet. Mais il en est d’autres qui, loin de reposer sur l’autorité obscure du désir manipulé par le marché, s’attachent à donner raison à ce qu’ils entendent signifier. Ils sont moins signaux que symboles, moins symboles que signes, moins logos que logos. Le haut de masque kanaga (Mali) qui se trouve à l’origine du sigle de la maison Présence Africaine est de ceux-là. Ces masques, comme de nombreux objets cultuels (masques, fétiches, objets hétéroclites, etc.), ne sont sortis qu’à l’occasion de cérémonies officielles, ils ne prêtent guère à consommer, forts de leur valeur sacrée, et ne se montrent qu’avec parcimonie, dans le jeu du rituel et de l’hommage aux dieux, au point que les sortir en dehors des séquences rituelles occasionne terreur et malheur. Michel Leiris a fait le récit de ce qu’il en coûte de faire apparaître ces objets sacrés à la vue de ceux qui ne doivent pas les voir. L’offense est radicale.

OpenEdition - revues en LSHS (accès libre)

Yannick Lemarié, « Masque et travestissement dans l’œuvre d’Alain Resnais », Double jeu [En ligne], 7 | 2010

Le théâtre ne s’est longtemps conçu que sous le masque et le travestissement. Dans leur Dictionnaire des Antiquités grecques et latines, et plus précisément dans l’article persona, Daremberg et Saglio rappellent d’emblée que le masque n’est qu’un perfectionnement des anciennes mascarades grecques qui, de tout temps, ont été en usage lors des fêtes rustiques de Dionysos : « on s’enluminait la face avec la lie du vin nouveau et on se façonnait de grandes barbes avec des feuilles

Sylvie Beaud, « Masques de Chine, visages du nuo : du patrimoine à l’art premier », Ateliers d'anthropologie [En ligne], 43 | 2016

Après avoir été interdits d’utilisation pendant près de deux décennies, les masques chinois, d’usage principalement rituel, ont fait leur réapparition dans le domaine public grâce à une politique d’assouplissement en matière religieuse dans les années 1980. Les chercheurs et les administrateurs de la culture ont dès lors eu pour tâche de les répertorier et de les réhabiliter, ce pourquoi il a fallu créer une nouvelle catégorie administrative. Faisant appel à un terme archaïque, les masques chinois et les pratiques connexes ont été réunis sous le terme de nuo, exorcisme.

HAL – Archives ouvertes CNRS (accès libre)

Cedric Calvignac. Que change le port du masque dans la relation soignant-soigné ? Magazine Sciences humaines, A paraître [soumis à HAL le 22 juillet 2020].

Au cours de ces dernières semaines, le recours systématique au port du masque par les professionnels de santé a bouleversé la relation soignant-soigné. Quels changements sont à l’œuvre ? Quelles réactions le port du masque par les soignants suscite-t-il chez les patients ? Comment les soignants accompagnent-ils leurs patients dans cette période anxiogène ? Comment parviennent-ils à leur manifester leur empathie et leur soutien en dépit du masque qu'ils portent ? Existe-t-il des situations plus préoccupantes où le soin est empêché - ou tout au moins rendu plus délicat - par le port du masque ? Les premiers résultats d'une enquête sociologique donnent quelques éclairages sur ces questions.

Taner Danisman, Ioan Marius Bilasco, Jean Martinet, Chaabane Djeraba. Construction de masques faciaux pour améliorer la reconnaissance d'expressions. COmpression et REpresentation des Signaux Audiovisuels, May 2012, Lille, France. pp.17

Ce travail propose une méthode pour détecter de manière automatique les régions qui contribuent le plus à une bonne classification des visages par rapport à des expressions prédéfinies : joie, surprise, etc. Notre méthode détermine les régions ayant le plus, (respectivement le moins) de pouvoir discriminant en utilisant un réseau de neurones de type MultiLayer Perceptron (MLP). A partir de régions de formes et de tailles quelconques, nous créons des masques à appliquer aux images avant de les classifier. Ces masques éliminent les zones de visages non pertinentes pour le processus de classification, en augmentant ainsi la performance du système. Nous avons conduit des expériences sur les bases d'images FERET, GENKI et JAFFE. Les résultats montrent une augmentation du taux de classification en utilisant les masques désignant les pixels d'intérêt.