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Hommage au poète haïtien Georges Castera (1936 – 2020)

Le poète haïtien Georges Castera fils est décédé ce vendredi 24 janvier à l'âge de 83 ans, en sa résidence à Pétion-ville.
Georges Castera

L’auteur du Trou du souffleur, Georges Castera fils – Prix Carbet 2006 de la Caraïbe, a rendu son dernier souffle le vendredi 24 janvier 2020, à son domicile à Pétion-Ville, en Haïti. Né un 27 décembre 1936 à la ruelle Roy, au mitan de Port-au-Prince, l’enfant qui a grandi avec « de grandes taches d’encre au cœur » (Ratures d’un miroir), deviendra poète, fidèle jusqu’au bout à la poésie « qui [nous] parle du bout des ongles » (Voix de tête).

Mais ce n’était pas sans subir trente ans d’exil (1956-1986), sous le régime de Papa Doc et Baby Doc (1957-1986). En Espagne (1957-1968), premier lieu d’exil où il étudie la médecine, la littérature finit par l’emporter sur l’art d’Hippocrate ; militant et marxiste à New York (1969-1986), il gravite autour du noyau communiste des éditions Idées Nouvelles Idées Prolétariennes qui édite plusieurs de ses compositions créoles.

En 1986, c’est un poète et critique exigeant qui retourne au pays natal. Ecrivant dans la pureté de chacune de ses deux langues, Georges Castera fils pratique ainsi un bilinguisme d’autonomie : une dizaine de compositions en français, près d’une vingtaine en créole. Lui arrive-t-il aussi de gratter sa guitare, et de tracer sur papier, à l’encre de chine, quelques figures insolentes, insolites – sous le pseudo de Radi (insolent), autre manière de bander son art.

Cette voix, proférant avec audace l’érotique et le politique dans le poème, ébranle, certes, le monde des lettres francocréolophones ; et les créolistes garderont les traces indélébiles d’un polémiste et défenseur intrépide de la langue créole, qui a reçu, de l'État haïtien, l’Ordre National Honneur et Mérite en 2007, puis le grade de Commandeur en 2012.

En étant la première de France et d’ailleurs, à recevoir en 2000 et 2001 les premiers travaux universitaires consacrés exclusivement à la poésie de langue française de cette grande figure des lettres caribéennes, la Bibliothèque Universitaire du Campus de Schœlcher ignorait encore le privilège dont elle jouissait. Aujourd’hui, les murs de l’institution transpirent par tant de mots du poète :

« Prends les livres en otage

pour ne pas te voiler d’incohérence

te mentir à voix basse »

« Lettre de loin », Les cinq lettres, 1992, 2012.

Il y a aussi les derniers mots de ce poème prémonitoire, « Point de chute » :

« je n’ai plus droit d’errance

sur les murs

et sur les mers

l’horizon est la chambre

où je suis interdit de miroir

dites ! n’entrerai-je plus

dans les mots

que pour parapher ma mort ? »

Le trou du souffleur, 2006.

 

Ouvrages de Georges Castera fils disponibles dans les BU de l’Université des Antilles :

 

Français

  1. Ratures d’un miroir, Port-au-Prince, Imp. Le Natal, août 1992, 90 p.
  2. Les cinq lettres, Port-au-Prince, Imp. Le Natal, octobre 1992, non paginé ; rééditions, Montréal, Mémoire d’encrier, 2012, 50 p.
  3. Quasi parlando, Port-au-Prince, Imp. Le Natal, 1993, 93 p.
  4. Le Trou du souffleur. Préface de Jean-Durosier DESRIVIERES ; dessins de Georges Castera, Paris, Ed. Caractères, 2006. Prix Carbet 2006, 104 p.
  5. L’Encre est ma demeure. Anthologie établie et préfacée par Lyonel Trouillot, Arles, Actes Sud, 2006, 91 p.
  6. Le cœur sur la main (poésie jeunesse). Illustrations Mance Lanctôt. Coll. L’arbre du voyageur. Montréal, Ed. Mémoire d’encrier, 2009, 64 p.
  7. Anthologie de la littérature haïtienne : un siècle de Poésie, 1901-2001, sélectionné par G. Castera, Claude Pierre, Rodney Saint-Eloi, Lyonel Trouillot et alii. Montréal/Port-au-Prince, Mémoire d'encrier / Editions Mémoire, 2003
  8. J'essaie de vous parler de ma patrie, Jacques Viau Renaud, "La patrie surgissant" (traduction de l'espagnol par Georges Castera). Montréal, Mémoire d'encrier, 2018.

 

Créole

  1. Konbèlann, Anthologie réunissant plusieurs recueils (Klou gagit, Espagne, 1965 ; Télé-dyòl, 1964-1965 ; Boua Mitan, New-York, 1970 ; Panzou, New-York, 1970 ; Tanbou Ti Bout-la Bout, 1970 ; Plon gayé, 1970-1974 ; Koulé krazé (Langaj), 1970-1974), suivi de deux annexes : « Anèks 1 », p. I-XVI et « Anèks 2 », p. XVIII-XXXI. Montréal, Ed. Nouvelle Optique, 1976, 194 p.
  2. Gout pa gout, Montréal, Ed. Mémoire d’encrier, 2012, 70 p.

 

Ecrits sur l’œuvre de Georges Castera fils disponibles dans les BU de l’Université des Antilles :

  1. CHARLES, Jean-Claude, Quelle fiction faire ? Que faire ?, Port-au-Prince, Ed. Mémoire, août 1999, p. 40-48.
  2. DALEMBERT, Louis-Philippe et TROUILLOT, Lyonel (collaboration d’Yves Chemla), Haïti : une traversée littéraire, Presses nationales d’Haïti / Cultures France / Philippe Rey, 2010, 171 p.
  3. DESRIVIÈRES, Jean Durosier. « La mise à feu de la parole poétique chez Georges Castera ». Mémoire de maîtrise en littérature, sous la direction de Georges Voisset, Université des Antilles et de la Guyane (Schoelcher, Martinique), 2000.
  4. DESRIVIÈRES, Jean Durosier. « Intention et invention dans la poésie d’expression française de Georges Castera ». Mémoire de DEA en littérature francophone et générale, sous la direction de Roger Toumson, Université des Antilles et de la Guyane (Schoelcher, Martinique), 2001.
  5. DESRIVIÈRES, Jean Durosier, "Castera (fils) Georges", Dictionnaire des écrivains francophones classiques : Afrique subsaharienne, Caraïbe, Maghreb, Machrek, Océan indien, Christiane Chaulet Achour. Paris : H. CHampion, 2010, p.75-79
  6. DESRIVIÈRES, Jean-Durosier. « Un langage à double canon pour une traversée à fleur de sens et de sang ou le cas Castera », in Écrits d’Haïti : Perspectives sur la littérature haïtienne contemporaine (1986-2006), sous la direction de Nadève Ménard, éd. Paris : Karthala, 2011, p. 237-248.
  7. DESRIVIÈRES, Jean-Durosier. Intention et Invention chez Georges Castera fils. Port-au-Prince, Éditions de l’Université d’État d’Haïti, 2018.
  8. DOMINIQUE, Max, « Castera : critique et poésie », in Esquisses Critiques, Port-au-Prince / Montréal, Ed. Mémoire / CIDIHCA, 1999, p. 207-238. « Castera, retour d’exil », in Esquisses Critiques, ibid., p. 239-249.
  9. FATTIER, Dominique, « Une offre de discours politique en créole haïtien : la première annexe de Konbèlann, de Georges Castera fils », in Langage et politique, douze études rassemblées et présentées par André-Marcel d’Ans, CIRELFA, Agence de coopération culturelle et technique, Langue et développement : collection dirigée par Robert Chaudenson, 1995, p. 181-214.

Revues relatives à Georges Castera fils disponibles dans les BU de l’Université des Antilles :

  1. Nouvelle optique. Recherches haïtiennes et Caraïbéennes, vol. I, N°1, janvier 1971, « A partir d’un débat sur les nouvelles directions de la poésie haïtienne » et « L’Air Libre », p. 85-92.
  2. Nouvelle optique. Recherches haïtiennes et Caraïbéennes, vol. I, N°4, décembre 1971, « Coulé crasé (Langaj) », p. 85-87.
  3. Nouvelle optique. Recherches haïtiennes et Caraïbéennes, N°8, octobre-décembre 1972, « Contribution à l’étude scientifique de l’orgasme » et autres poèmes, p. 93-99.
  4. Chemins Critiques. Religion et politique en Haïti, Vol. 1, N°1, mars 1989, « Culture – Arts – Littérature », poèmes et dessins, p. 104-117.
  5. Chemins Critiques. Droit et Démocratie, Vol. 1, N°2, août 1989, « Clément Magloire Saint-Aude, homme déchiré au-delà des phrases » et « Entretien de Georges Castera avec le peintre, dessinateur et sculpteur Ronald Mevs ». p. 147-150, 167-175.
  6. Chemins Critiques. Le rêve d’habiter, Vol. 1, N°3, décembre 1989, « Entretien de Georges Castera avec Geneviève et Gaylord Esper, architectes », p. 75-82.
  7. Chemins Critiques. Interroger nos mémoires, vol. 1, N°4, juillet 1990, poèmes, p. 159-162.
  8. Chemins Critiques. 791-1991. Qui a peur de la démocratie en Haïti ?, Vol. 2, N°3, mai 1992, poèmes, p. 177-182.
  9. Callaloo. Haïti : the litterature and culture, a Special Issue, Part. 1, Vol. 15, N° 2, Spring, 1992, Entretien et poème, p. 528-530.
  10. Conjonction. Surréalisme et révolte en Haïti, N° 193 et 194, avril-mai-juin 1992, « Sous le voile déchiré (Présentation) », p. 9-14.
  11. Conjonction. Lamadèl : 100 poèmes créoles, N° 195 et 196, juillet-août-septembre 1992, poèmes, p. 71, 113 / p. 99.
  12. Conjonction. Le Port-au-Prince des écrivains, N°208, 2003, poèmes, p. 79-88.
  13. Conjonction. La critique littéraire, N°209, 2003, « Le créole, proie facile : la critique en créole, chasse gardée », p. 16-27.
  14. La Nouvelle Revue Française. Hommage aux lettres d’Haïti, N°576, janvier 2006, poèmes, p. 166-168.
  15. Cultures sud, N° 168, 1er mars 2008, « Haïti : avant-poste d’une identité raciale », p. 46-57.