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Serge Patient, poète et militant (1934-2021)

Le poète et homme politique Serge Patient est mort le 19 janvier 2021
Serge Patient

Serge Patient est né le 23 mars 1934 dans une famille créole de Cayenne. Ses parents, tous les deux chefs d’établissements, déménagent régulièrement pendant son enfance dans différentes communes de Guyane; son père Jules, militant SFIO, est sénateur de Guyane de 1948 à 1952. Serge part étudier la littérature à Paris : c’est pendant ses années étudiantes qu’il participe, avec d’autres étudiants guyanais, à la fondation du Comité guyanais d’actions sociale et politique en septembre 1955 à Paris.

De retour en Guyane à partir de 1958 comme enseignant d’espagnol au lycée Félix-Éboué de Cayenne, Serge Patient continue de militer avec ses camarades qui transforment leur mouvement en Union du peuple guyanais (UPG) qui se fait connaitre en janvier 1959 quand ils lancent la revue Conscience guyanaise. Ils sont alors très critiques envers la société et les hommes politiques guyanais. La répression s’abat rapidement sur le mouvement, Serge Patient est ainsi appelé sous les drapeaux et envoyé en France en octobre 1960 pour son service militaire. À son retour, il se présente aux élections cantonales de 1965 sous l’étiquette UPG sans être élu.

Il est nommé à Kourou comme principal du collège en 1970, puis proviseur du lycée et s’investit comme adjoint au maire de Kourou et conseiller général. En 1974, il est le premier président de l’établissement public qui devient ensuite le Conseil régional de Guyane en 1983 sous l’étiquette de l’UDF de Valéry Giscard d’Estaing.

En parallèle à sa carrière politique, il écrit de nombreux poèmes publiés dans la presse locale. En 1967, il publie un premier recueil, Le Mal du Pays. Ce premier recueil sera suivi d'un autre en 1980, Guyane pour tout te dire. Serge Patient se fait connaître au-delà de la Guyane pour son récit Le Nègre du gouverneur publié une première fois en 1978. Selon Kathleen Gyssels : « De facture assez classique, Serge Patient recrée l’ambiance coloniale, avec des clins d’œil à Une Tempête (« le devoir de Caliban » face à son maître, Prospéro) et à Othello de Shakespeare (l’amour impossible puisqu’interdit entre la blanche Virginie et son « ténébreux », D’Chimbo). Cette constellation intertextuelle se ramifie pour devenir le nœud de l’intrigue, le germe de rébellion et du déséquilibre dans « l’ordre colonial ». Patient, comme des auteurs de la diaspora caribéenne, renvoie de manière explicite à Desdémone et Othello, tant l’amour défendu entre l’esclave et la maîtresse fut l’objet d’opprobre et mina le pouvoir du Blanc. » Il obtient le Prix Carbet en 2001 pour cet ouvrage.

La Guyane est au centre de l’œuvre poétique de Serge Patient ; cela revient d’une manière obsessionnelle. Dans son Anthologie de la poésie guyanaise d’expression française (2010), René Gnalega indique « l’esprit du poète est hanté par la Guyane. Ainsi la question de l’identité est sans cesse réaffirmée, le poète met le Guyanais aux prises avec lui-même, son histoire et son avenir. Patient c’est aussi l’expression de la créolité. Œuvre essentielle pour entrer dans la poésie guyanaise, des thèmes reviennent : le marronnage, l’identité guyanaise, la négritude et la quête universaliste ». Il est décédé le 19 janvier 2021 à Cayenne.